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Scène de la vie quotidienne

Jean Hélion, La grande boucherie, 1963, huile sur toile, 114 x 162 cm

Jean Hélion manifeste un grand intérêt pour la vie des commerçants, agriculteurs, pêcheurs, artisans, travailleurs dans la rue…Elle est un pôle d’animation dans son œuvre depuis 1940 à New-York, puis à Paris dès 1946. Hélion nous fait voir la richesse esthétique et humaine du monde qui nous entoure. L’activité de travailleurs devient la manifestation d’une vie profonde, recueillie, d’une véritable communion entre des êtres. Les scènes de la vie quotidienne sont élevées à la hauteur d’un mythe.

Les rues sont animées par des magasins de vêtements, avec mannequins et présentoirs de vêtements, des friperies, des commerces de bouche, des forts des halles qui transportent de lourds quartiers de bœuf, des étalages de poissons de fleurs, des poissonniers qui déchargent un bateau, tout un monde qui produit, nourrit, pioche, creuse, en jouant un rôle central dans nos vies.

Les travailleurs qu’il montre ne sont pas soumis à un rythme mécanique, déshumanisant, comme dans les Temps Modernes de Charlie Chaplin. Au contraire ils deviennent un modèle de profondeur humaine. Dans le monde d’Hélion, ce n’est pas le travail qui déshumanise, mais, dans quelques œuvres, les journaux et la télévision qui absorbent trop l’attention au détriment de ce qui nous entoure.

Dans sa Grande boucherie, l’artiste nous fait regarder un étalage de viandes d’abord comme une nature morte d’autant que les personnages à l’avant du tableau sont plongés dans leurs songes et peints en noir, et que ces boutiques ont disparu avec les halles de Paris.

Le choix des camaïeux, en accord avec la viande, pourrait renforcer le côté passé et désuet. En réalité, l’écriture forgée dans l’abstraction de Jean Hélion et la vivacité de sa touche animent instantanément la scène du rythme des bras de la caissière, du trio dansant des deux bouchers avec la carcasse ouverte, des jambes des passants.

Le soleil sur la devanture dévoile un monde vivant, des gens heureux, étonnamment présents à eux-mêmes, à leurs gestes et à l’autre. On découvre devant la boutique l’intensité d’un couple, l’empathie des deux femmes qui se tiennent les mains, l’attention d’une jeune femme sur sa corbeille, le sérieux d’une petite fille assise sur un caniveau, captivée par son histoire, l’énigme de cette personne seule qui tend la main vers elle. On entre dans un monde qui ne vieillit pas, presque surnaturel où gestes et attitudes du quotidien s’approchent du sacré.

En donnant du sens et de la profondeur à l’activité des travailleurs qu’il observe dans la rue, les marchés, les ports, Hélion en donne aussi à la peinture qui, dit-il, peut être conçue pour un usage de la vie comme source de formes, comme proposition de liberté.

A.M.

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