Dès que la peinture prend conscience d’un but, se fixant du même coup une limite, elle n’est plus qu’image ou spectacle, elle n’est plus.

Une peinture qui se propose d’être efficace se stérilise au départ. Le peintre se veut-il porteur d’un message, il ment.

Il n’y a pas d’œuvre « ancienne » ou « moderne » : il y a la peinture vivante de tous les temps, qui est toute entière au présent.

Ces propos de Jean Bazaine, à qui nous consacrerons bientôt une exposition individuelle, auraient pu être tenus par tous les autres artistes de la galerie et la plupart des peintres du XXème siècle. Ils sont pourtant à contre-courant de la scène artistique « contemporaine » des trente dernières années : le message, l’éthique et la réflexion sont devenus plus importants que la qualité formelle des œuvres, reléguant l’esthétique à un rang secondaire.

Les œuvres contemporaines sont présentées comme des « questionnements » (le mot est répété à en devenir indigeste) sur les grands problèmes de notre temps, comme la biodiversité, l’écologie, les migrations, les discriminations raciales, de sexe, ou bien sur des problématiques individuelles : genre, mort…

Dans ce contexte, l’identité et l’éthique des artistes sont prises en compte, aussi bien pour l’évaluation de leurs œuvres que pour l’opportunité de leur participation à des expositions institutionnelles. Et ces expositions se transforment souvent en parcours illustratifs d’un thème. Les œuvres se renvoient les unes aux autres, mais perdent de leur force prises isolément.

Il était logique que la peinture, en tout cas une peinture profonde et intemporelle, avec laquelle on peut vivre durablement sans en faire le tour, soit récusée dans l’art « contemporain ». D’autres médiums, comme les installations, les performances, les photos, les vidéos, sont plus appropriés.

Les choses sont beaucoup plus confuses depuis que les nouvelles générations sont revenues à la peinture. Quelle peinture ? Si les paradigmes de l’art contemporain ne lui correspondent pas, quelles conclusions en tirer ?

A.M.