Repartir de soi
« Les premiers dessins de Fred Deux que j’ai vus datent du début des années 60 : Henri Michaux, sur le ton de la confidence, inquiète et curieuse, fut le premier à attirer mon attention sur eux. C’est dans la galerie de Daniel Cordier que je crois avoir saisi cette sortie progressive des limbes. On découvrait ses encre de Chine de 1962 – 1963.
On croyait assister à la naissance d’un dessinateur dans les coulisses secrètes du surréalisme, mais ce dessinateur n’était peut-être pas aussi surréaliste que semblait l’indiquer sa fascination pour Max Ernst ou pour Victor Brauner.
C’était l’époque où il fallait tout reconstruire, tout ré-échafauder dans les nuées, quand ce n’était pas dans le désespoir où tomba Réquichot. L’image resurgissait de ses cendres tachistes et gestuelles, elle n’avait pas très bonne mine, pourtant elle était forte et transmettait le désir de repartir de soi, de son propre corps, de ses propres organes, de son sexe et du sexe des autres pour tout ré-articuler à la pensée la plus exigeante, qui oblige vraiment à « conjuguer » le verbe « voir ».
Il fallait tenir, et Fred Deux, mieux que personne, malgré, et à cause de l’isolement, de l’acharnement solitaire, a tenu ».
Alain Jouffroy,
extraits de Fred Deux, pour le Musée Cantini, à Marseille, Actes Sud, 1988
Exposition jusqu’au 9 mars