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Regard sur Jean Hélion

Jean Hélion, « Port coton », 1959, huile sur toile, 92 x 73 cm

Jean Hélion : "c'est la touche de couleur qui devient l'être vivant"

Face aux Aiguilles de Port Coton, Hélion se confrontait à deux géants : la nature qui a réalisé là un de ses chefs-d’œuvre, la plus belle vue de Belle-Ile, sur la « côte sauvage » ; Claude Monet qui en a fait six tableaux différents.

Monet captait les variations de lumière, et donc de couleurs, saisissait des changements à différents moments de la journée et dans diverses conditions atmosphériques. Il nous fait sentir la mer, le sel, l’eau, nous prend dans les éléments, la matière. Ses rochers transmettent leur degré de rugosité aux flots. Ses touches peuvent annoncer le pointillisme. Et comme souvent, il choisit la perspective la plus connue, celle des guides touristiques, d’où l’on voit distinctement les différents rochers.

Dans cette oeuvre maîtresse, Hélion a choisi un autre point de vue qui rassemble les rochers comme un couple avec ses petits. Son cadrage en plongée et en contre-jour, les motifs géométriques de sa structure anguleuse, des couleurs sombres en contraste avec les touches claires et agitées de la mer, lui prodiguent la force et la véhémence d’un monstre marin surgissant de l’écume.

Hélion sait ne pas stopper la rêverie en poussant trop loin la comparaison ou l’allusion. Comme le promeneur attentif a besoin de mots pour saisir la beauté, Hélion conduit ses créations comme « une interrogation sur les façons possibles d’attraper le réel à la force du pinceau ».

Il faut, écrit-il, « garder au dedans de soi-même, former, formuler en geste, en impulsion, l’embryon d’image, jusqu’à ce que le travail lui donne naissance, que l’impulsion devienne rythme, l’étincelle devienne lumière et que le sens se révèle inséparé de la forme. C’est la touche de couleur qui devient l’être vivant. »

La mer est explorée à travers un « chœur de multiples touches ». Elle est bouclée, nacrée, diaprée, se déroule à l’infini, dansante et musicale. Les deux rochers prolongent leur avancée vers l’horizon. On les dirait sculptés dans le quartz. Les vagues sont saisies par des touches qui épousent la lumière de la joie de vivre. On peut regarder indéfiniment leur mouvement incessant, les variations de couleurs. L’art et la nature sont omniprésents, indissociables. C’est un autre Port Coton que ceux de Monet, un autre que le vrai, beaucoup plus vivant que n’importe quelle photographie, une autre réalité, peinture, sculpture, d’une vue dont on se lasse pas.

A.M

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