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Regard sur Jean Hélion

Jean Hélion, « Le lit », 1948, Gouache sur papier, 50,5 x 65 cm

Jean Hélion : Dessiner le réel proche de l'homme

Nos deux amies sont parties laissant le lit où l’une d’elle était assise. Seul, le lit ? Non pas.

Un doux dialogue de lignes perpendiculaires s’installe entre les lattes du parquet clair et le liseré d’aquarelle rouge du tapis blanc. Il souligne la dimension et la profondeur de la chambre. Tous deux créent une scène théâtrale où ce lit, caché dans le précédent tableau, devient l’élément principal du dessin. Doucement éclairé par une lumière que la gouache d’un blanc laiteux des murs traduit comme tamisée par un voilage, le lit trône contre le mur en accord avec la direction des lattes du parquet. Il est recouvert, léchant le sol, d’un long drap blanc, de la tête au pied.

Voilà notre héros, personnalisé!

Muet, ce lit parle à travers les plis du drap.

Dessinés au fusain, stylisés et venus directement d’un vocabulaire abstrait que Hélion a inventé avant 1939, les contours presque figés, angulaires mais néanmoins puissants donnent aux plis un caractère tumultueux, révélateur d’une activité humaine. Peut-être même celle de notre amie assise dans le précédent tableau… ?

Les jeux d’ombres et de lumière, dont le rythme suggère aussi la profondeur, sont définis par des hachures dans les creux des plis. Sur les crêtes, les traits de gouache blanche, sertis au fusain, les éclairent dans un dialogue où la peinture ne l’emporte pas, ici, sur le dessin.

L’ensemble donne l’effet d’un modelé sculptural comme s’il s’agissait d’une statue de marbre grecque : lit funéraire ? Triclinium?

Les franges rouges du tapis nous apportent une touche féminine pleine de jubilation. Alors, rien ne nous empêche de songer à Pénélope retrouvant Ulysse…

Hélion dialogue avec les Maîtres de l’Antiquité comme il aime le faire avec l’humanité, sans souci de frontière ni du temps ni du vocabulaire pictural.

Car « résonance allégorique »*, il y a.

C’est même là le dessein de Hélion : dessiner le réel proche de l’Homme, sans émotion ni réalisme, pour qu’il nous offre toute sa charge symbolique et poétique.

Et si vous le regardez bien, vous verrez que le dialogue ne s’arrête pas là : vous y retrouverez vos rêves et souvenirs « que le réel (de ce lit) saisit en vous »*.

* Henry-Claude Cousseau : Hélion, Edition Alain Margaron

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