Regard sur Jean Hélion

« En dix jours de séjour à Belle-île et sept de travail, j’ai fait 5 peintures complètes, réussies, d’une fraîcheur, d’une justesse et d’un éclat uniques. » écrit-il le 10 avril 1959.

Ce petit tableau représente, au premier plan, les Aiguilles de Port-Coton ; petits rochers qui s’en vont à la queue-leu-le. Ils semblent jouer à faire des ricochets.

Tel un sculpteur qui laisse ses traces de doigt dans la glaise, Jean Hélion modèle ces rochers naturellement sombres par de longues touches.

Celles-ci grimpent vers le sommet, plantent la base, plongent leur ombre dans la profondeur d’une eau cristalline.

Multicolores et dans toutes les directions, elles reflètent, en même temps, les différentes possibilités de teintes dont ces roches marines savent se parer au gré des heures du jour et du climat.

Sur le rivage, des falaises, éclairées par le soleil du matin, sont à peine esquissées grâce aux coups de pinceau qui résument l’activité des éléments comme le clapotis de l’eau, la plage, l’ombre d’une grotte, le long trait sinueux d’un chemin qui monte au sommet. Et tout en haut, en symétrie avec la plus haute des aiguilles, une touche d’un vert printemps, suggère un bocage et apporte un élément humain au tableau.

« Peindre d’après nature, c’est interroger la création, a écrit Hélion, la même année ».

En contrepoint de cette danse de la lumière, les longs traits horizontaux des bleus, parme et rosé de la mer et les blancs des nuages renvoient à l’immensité imperturbable de l’Océan Atlantique, à la promesse calme de la ligne d’horizon, et au loin à l’Amérique, pays qui ne veut plus reconnaître Jean Hélion depuis que la figuration du monde s’est imposée à lui.

« Peindre : célébrer les noces d’une pensée et de la couleur ».