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Regard sur Jean Hélion

Jean Hélion, « Homme assis », 1928, huile sur toile, 130 x 80 cm

Jean Hélion : une peinture du réel qui s'adresse à la fois aux sens et à l'esprit

Ce portrait de pied de 1928 est à ma connaissance la première oeuvre importante de Jean Hélion. Je dirais même qu’il annonce toute son oeuvre à venir par enrichissements successifs.

Pourquoi dégage-t-il autant de force? Le personnage lui-même est jeune, il en émane une certaine élégance, de l’ampleur, ses mains peuvent saisir, pétrir, créer. Il se dégage d’un fond rouge châtaigne, qu’il illumine. Il annonce le parcours à venir du peintre, aussi bien son entrée en abstraction, un an plus tard, que l’assise que celle-ci donnera à son retour à la figuration une décennie après. Les jambes et les bras de ce personnage ont des formes en losanges prolongés à demi par l’étrange posture des pieds, comme si l’oeuvre reposait sur une demi-abstraction géométrique.

Quinze ans plus tard, dans « Nu d’Amagensett », sur un thème qui évoque le « déjeuner sur l’herbe » de Manet, les bras et les jambes de la femme nue rappellent ces formes en losange. Et Hélion accentue la perspective d’une plage, pour situer cette femme la tête en bas.

Jean Hélion, « Nu d’Amagensett », 1944, aquarelle et encre, 22 x 30 cm

On peut imaginer que Hélion, à l’époque de ses Équilibres et ses Compositions abstraites, a été plus d’une fois tenté de retourner le portrait de 1928 qu’il avait gardé dans son atelier.

Il poussera jusqu’au bout, ce retournement d’un personnage géométrisé, féminin désormais, dans différentes œuvres, en particulier dans « À rebours » de 1947, une peinture centrale dans l’art du XXème siècle qui appartient au Centre Pompidou.

Hélion reprendra aussi dans les années 40 l’étrangeté des yeux pris entre deux lignes presque parallèles qui doublent les sourcils pour cadrer le regard, celui d’un peintre qui structure ce qu’il observe.

En 1928, Hélion venait d’être initié aux avancées de la peinture moderne par le peintre uruguayen Joachim Torres Garcia. Sa voie se dessinait. Il allait pousser les possibilités de l’abstraction, en devenir un théoricien renommé aux États-Unis, en réaliser des chefs-d’œuvre, souvent musicaux et poétiques, sans oublier qu’il était devenu peintre d’abord pour observer, des réactions chimiques dans une pharmacie, des rues quand il a travaillé dans un cabinet d’architecte… En 1928 déjà, il n’y voyait pas une contradiction mais une complémentarité. Le réel s’adresse autant aux sens qu’à l’esprit.

A.M

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