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Regard sur Bernard Réquichot

Bernard Réquichot, Sans titre, 1957, huile sur toile et collage de prélèvements de peinture à l’huile, 83 x 116 cm

Une peinture déroutante de Bernard Réquichot

Cette magnifique peinture de 1957 déroute. Assiste-t-on à une accélération puis au télescopage d’une longue traînée horizontale ascendante, à un phénomène de vitesse vécue en apesanteur par certaines évocations humaines bien installées dans leur immobilité, à une explosion de trouvailles psychiques?

L’œuvre est sans doute liée au big bang, à la physique quantique, à une intuition sur le temps et l’espace, mais surtout au scrutement des mécanismes mentaux de l’artiste, à sa culture et à son mysticisme. « Si ce qui vit est ce qui bouge, ce qui est fixe est ce qui est mort. »

On peut penser au « Bateau Ivre » de Rimbaud, jeté non dans la mer, mais dans l’espace. Une silhouette noire, dans une pirogue de même couleur à droite, paraît se laisser emporter sans effroi dans une chute spatiale. En parcourant du regard la composition, on sent des résonances avec le crépitement d’images du poète : « dans les clapotements furieux des marées », « plus léger qu’un bouchon », « dispersant gouvernail et grappin », « les flots roulant au loin leurs frissons de volet », « j’ai vu des archipels sidéraux »…

« Chez le créateur c’est l’étonnement qui engendre. L’étonnement est un regard nouveau… La beauté n’existe pas mais existe l’émotion qui nous fait dire ce mot et l’émotion existe dans la conscience. »

On peut penser aussi à la fin de « l’Odyssée de l’espace » de Kubrick, onze ans plus tard : une accélération folle renvoie le pilote au stade embryonnaire, niant le temps.

Pour Réquichot, « ce qui est infini dans l’espace semble ne pas pouvoir avoir commencé dans le temps. C’est pourquoi l’espace lui-même est éternel. »

La pensée mystérieuse de Bernard Réquichot rendue visible par des formes en perpétuel mouvement

Réquichot mêle à l’oeuvre qu’il est en train de peindre des collages de fragments de peinture qu’il prélève sur d’autres toiles dont il n’était pas satisfait. Leur épaisseur semble ralentir le temps et participe à l’éclat des couleurs en leur donnant quelque chose de sonore.

Au centre du tableau, grise, la peinture semble crucifiée, à moins qu’elle ne rencontre une silhouette.

On pourrait voir tout autant dans cette peinture des mouvements sanguins mêlés au jaune de la lumière, des éclaboussures de sang, des impulsions nerveuses…

L’oeuvre de Réquichot naît de la rencontre du plus intime du corps, de la pensée et de l’inconscient avec l’espace et le ciel.

Mais il ne veut rien prouver, ce serait réducteur. Il ne veut pas davantage céder à un jeu trop facile d’associations d’images. Il expérimente. « Certes la peinture est un moyen de connaissance, mais parce qu’elle permet d’atteindre un séjour mental où conduit le chemin des yeux. »

A.M.

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