Refus de l’image industrielle
« Peut-être n’est-ce que depuis quelques années seulement que l’on parvient de nouveau à regarder Hélion. À continuer de trouver fascinante sa période dite abstraite et à s’émerveiller de tout ce qu’il a pu peindre et dessiner par la suite, durant son long retour à la figuration. Son œuvre est loin d’être épuisée. Elle reste même sans doute assez mystérieuse, comme si aucune exposition n’avait réussi à exprimer et à montrer ce qu’est véritablement Helion. Peut-être parce que son parcours est difficile à résumer et se trouve encore décuplé par ses très nombreux écrits. Plus on regarde et plus on lit Hélion, plus son œuvre semble immense…
L’évolution d’Hélion a été perçue d’une manière bien trop mécanique. Longtemps, on a pensé que la figuration constituait une réaction à l’abstraction, tandis que toutes deux révèlent la même source : un refus de l’image industrielle portée par la photographie de masse, parce qu’elle abolit le regard sur la réalité du monde. L’image tue l’image et la vision.
Non, seulement, le peintre se penche du côté du réel, mais il en reconstruit la hiérarchie. Il s’agit pour lui de voir, mais à partir du plus humble, d’un parapluie, d’un pot de fleurs sur une fenêtre. Et de tout montrer en donnant aux choses et aux situations les plus humbles une présence si monumentale qu’elle en devient fascinante après avoir été souvent dérangeante…
Chez Helion, la figuration du vécu ne passe pas par le réalisme photographique. Son réalisme ne peut se définir qu’en creux, par tout ce qui échappe à l’aveuglement, ce thème qui, de manière ironique, réapparaît dans les tableaux des années 1970. Pour Helion, la peinture nous fait prendre conscience que nous sommes aveugles, elle peint ce que nous ne voyons pas, ce que nous ne voulions pas voir. Elle nous montre où est la vie, mêlée de souvenirs et de songes, elle est faite pour guérir les aveugles ».
Fabrice Hergott
Directeur du Musée d’Art Moderne de Paris
catalogue de l’exposition Hélion, la prose du monde
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