Pourquoi j’aime Hélion 2/3

Jean Hélion, « Le Palmier », 1982, acrylique sur toile, 97 x 130 cm

Quand, vers 40 ans, je me suis décidé à sauter le pas, dans ma vie professionnelle, l’exemple de Hélion était présent à mon esprit. Les grandes décisions s’imposent à nous au fil d’un long parcours souterrain. Elles paraissent des ruptures. En fait, elle sont logiques et nous les connaissions depuis longtemps. Aucune digue financière ne les contient.

En 1939, Hélion était reconnu comme un artiste important aux États-Unis, protégé de surcroît par sa belle-mère, Peggy Guggenheim, qui investissait sur ses tableaux abstraits. Il n’a pas hésité à revenir à la figuration, la question ne se posait même pas pour lui, son évolution était en germe dans son abstraction.

Je ne pensais pas, en 1993, que la galerie pourrait un jour lier son destin à la reconnaissance d’un artiste aussi important et influent. Il a fallu une croisée des chemins entre l’interêt que nous avons suscité sur d’autres artistes, comme Lunven, Macréau, Boix-Vives, Dado, Fred Deux, Laubiès, puis Réquichot et la trajectoire de la compréhension de son oeuvre. Malgré une grande exposition au Centre Pompidou de 2004, Hélion n’était plus considéré comme un artiste essentiel.

Je me rappelle l’émotion de ma première visite dans son atelier-appartement, au dernier étage du 4 rue Michelet, tout près du jardin du Luxembourg. J’entrais dans un lieu rêvé déjà familier, comme si je voyais ses « toits » de la fin des années 50 non plus sur toile mais en vrai.

J’avais demandé de m’introduire à Sylvie Ramon directrice des musées de Lyon, à qui j’avais fait une importante donation de Fred Deux à l’origine de l’exposition qu’elle lui a consacrée.

Je parle longuement avec Jacqueline, son épouse, sans plus songer à acheter. C’est finalement elle qui me propose de choisir entre deux peintures, justement sur les toits, l’une restée au dessus de leur lit. Ce fut le début d’une aventure, esthétique et d’amitié, avec toute la famille de Hélion, en France et aux États-Unis.

La fréquentation quotidienne de beaucoup de ses œuvres, m’a aidé à choisir des trésors méconnus. On ne peut pas sentir la force des meilleures peintures ou dessins, les sélectionner, sans vivre avec elles. Acheter les tableaux de leurs artistes avant de les montrer était un atout de taille pour les marchands du XXème siècle. L’épreuve du temps est imparable. Les œuvres plus saisissantes se révèlent silencieusement et permettent ainsi d’anticiper leur reconnaissance.

A.M

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