Ouverture au monde
Après son opération au cerveau, au printemps 2011, Fred Deux a continué à créer. Il ne pouvait faire autrement. Mais cet intellectuel cultivé, qui ressourçait en permanence, avec lenteur , sa pensée à la source des poètes les plus profonds, s’inquiétait sur la pertinence de ses nouveaux « peintures -dessins » qui s’imposaient à une vitesse pour lui déconcertante. Il était dérouté du lâcher-prise qu’imposaient les couleurs, de leur sensualité, de leur ascension où il s’accrochait à la plume ou à la mine de plomb. Il interrogeait Cécile , mais avait besoin aussi d’un autre regard bienveillant, qu’il disait artiste et engagé dans son travail, le travail d’une galerie.
Tous les 15 jours nous nous retrouvions seuls, dans son atelier aux allures de bureau à regarder ses dernières œuvres attentivement.
Quand je ne disais rien, et passais plus vite il comprenait que j’étais réservé. Quand je m’enthousiasmais, et je l’étais très souvent, devant la nouveauté de ces peintures-dessins, leur très grande liberté, cette ouverture sur le monde qu’il lui avait fallu une vie pour conquérir et qui charmait ses journées à l’approche de la mort, il le croyait.
Plus que jamais il s’intéressait aux autres, Je ressens beaucoup de douceurs. Mais quand quelqu’un ressent quelque chose de douloureux, que ça lui fait mal, j’ai envie de pleurer.
La nature l’inspirait de plus en plus, les petites choses qu’il m’a montrées sur les bord de l’Indre, des brindilles, du lichen, tout ce qu’on trouve déjà dans De l’acceptation, 2008.
La réalité des songes, l’éclosion des rêves, ses rêveries autour de sa mémoire, de la transmission de ses ancêtres, de la sienne à son tour ont continué à guider sa main, ses journées, ses nuits.
Les petites choses la haut dans le ciel resteront allumées jusqu’à ma mort. Après?
Je lui ai dit qu’il aurait la chance de continuer à vivre, longtemps, à travers son œuvre et ainsi de nous aider, nous aussi, à vivre plus intensément.
A.M.