Nouvel accrochage Fred Deux

Sans titre, 2013, encre de Chine, peinture laque et peinture dorée sur papier, 36,5 x 26 cm
Nous avons prolongé jusqu’au 20 mars, en le renouvelant, l’accrochage consacré à la dernière période de Fred Deux (de 2002 à 2013).

On sent parfois un souffle vers l’ailleurs mais bien ancré dans l’ici. Un important dessin de septembre 2011 a justement pour titre « Ici, la chaire prend sa place ».

Fred Deux m’a fait visiter, en 2008, sa « Poustinia », en russe, une hutte ou cabine isolée propice au recueillement et à la prière. À la Châtre, c’était une petite maison dans leur jardin de curé où il passait désormais des heures à expérimenter des réactions chimiques pour créer des fonds colorés, sans se soucier du danger. Un matin, il verse un demi litre d’éther dans un récipient, se croit protégé avec un foulard autour du nez, se réveille, étonné, en ambulance.

Je lui avais demandé s’il croyait à une vie après la mort. « C’est mon dernier dessin qui le dira », m’avait-t-il répondu.

Il n’y a pas eu à proprement parler de dernier dessin.

Il m’avait dédicacé, peu après notre rencontre, une œuvre « pour que jamais ne tarisse la source. » La source s’est tarie pour Fred Deux fin 2013.

Cécile lui a préparé, alors, des fonds suivant ses critères esthétiques à elle. Fred les griffonnait à peine ou se contentait d’approuver, machinalement, d’un « beau », comme un enfant. Ce n’était plus lui. Les dessins l’ont progressivement quitté, en douceur, comme la vie, peu après. Auparavant, en juillet 2013, une apparence d’embryon à l’encre sur un fond gris diffuse du bleu phtalique cyanine dans un plasma maternel. La boucle est bouclée. La couleur naît, cette fois, du dessin, de la vie qui s’annonçait et qui valait la peine d’être vécue.

Dans la magnifique composition ci-dessus, quelques traits suggèrent un bacchus bleu lilas, repu, et une sirène dorée qui se glisserait hors des crépitements de vie d’un archipel fushia pour rejoindre la matrice ou l’écorce d’un monde fluide et fécond.

À l’automne, dans le dernier dessin que nous avons sélectionné (ci-dessous), Fred a dessiné d’une main étonnamment sûre un de ses nombreux assemblages de mailles ou de briques. Le dessin devient le support. Peut-être une naissance ou une âme s’en détache-t-elle ?

Le maillage capte de somptueux rouges et or d’une aurore qui suinte de l’humidité des murs de son enfance, là où tout a commencé, ou bien d’un crépuscule qui s’éteindra lentement.

A.M.

Sans titre, 2013, mine de plomb et peinture sur papier, 56,5 x 38 cm

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