L’éternel dans l’éphémère

Jean Hélion, Duo...d'occasion, 1972, acrylique sur toile, 88,5 x 130 cm

Jean Hélion a retranscrit l’atmosphère de son époque. C’est particulièrement vrai, après guerre, presque année par année.

À commencer par la Nature morte à la flaque d’eau de 1944, qui, sans contredire d’autres interprétations (cf. notre chronique du 29 octobre 2024), traduit les destructions de la guerre qui s’achève avec un trottoir disloqué, un parapluie défoncé qui semble dessiner l’Europe morcelée et un bout de tuyau qui pourrait avoir été arraché violemment par une explosion.

Dans les décennies suivantes, des œuvres résonnent avec Tati, Gainsbourg, Piaf… qui ont su mettre en scène ou chanter, eux aussi leur époque.

Baudelaire écrivait en 1863 que le peintre de la vie moderne  sait capter l’éternel dans l’éphémère, discerner dans les scènes de la vie urbaine des significations profondes, re-enchanter l’ordinaire.

Hélion transforme des scènes de rue, de marché, de flânerie…en œuvres qui fascinent, dont on ne peut détacher le regard, comme l’a dit Giacometti. Hélion reste une référence pour des grands peintres actuels, en particulier Peter Doig. Frank Auerbach a dit, quelques jours avant de mourir, à 93 ans, être heureux d’être actuellement exposé par Doig à New York, entre Balthus et Hélion.

Au cinéma, dans le dernier et beau film d’Emmanuel Mouret, «Les trois amies», les prises de vue, les cadrages, les suggestions rappellent Hélion. Le réalisateur ne cache pas son enthousiasme pour celui-ci. Et au milieu du film, j’ai eu la surprise d’apercevoir la couverture du premier catalogue que nous lui avons consacré.

Plutôt que de céder aux facilités de la critique et de la dénonciation, Hélion choisit de faire découvrir ce qu’il y a de positif et de beau, en particulier dans la vie des gens. Il le fait en poussant au maximum les possibilités de la peinture, notamment en conjuguant abstraction et figuration pour créer des formes signifiantes qui donnent un sens profond aux activités les plus simples : gestes de travail, flânerie dans les rues.

À condition, bien sûr, que les œuvres soient regardées attentivement. On nous dit, y compris les artistes qui admirent Hélion, que l’exposition à la galerie le permet. C’est bien ce que nous souhaitons.

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