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La grande boucherie

Jean Hélion, La grande boucherie, 1963, huile sur toile, 114 x 162 cm

Cet étalage de viandes paraît d’abord une nature morte d’autant que les personnages à l’avant du tableau sont plongés dans leurs songes et peints en noir, et que ces boutiques ont disparu avec les halles de Paris.

Le choix des camaïeux, en accord avec la viande, pourrait renforcer le côté passé et désuet.

En réalité, l’écriture forgée dans l’abstraction de Jean Hélion et la vivacité de sa touche, qui distingue ses meilleures œuvres, animent instantanément la scène du rythme des bras de la caissière, du trio dansant des deux bouchers avec la carcasse ouverte, des jambes des passants.

Le soleil sur la devanture dévoile un monde vivant, des gens heureux, étonnamment présents à eux-mêmes, à leurs gestes et à l’autre. On découvre l’intensité d’un couple, l’empathie des deux femmes qui se tiennent les mains, l’attention d’une jeune femme sur sa corbeille, le sérieux d’une petite fille, assise sur un caniveau, captivée par son histoire, l’énigme de cet homme seul qui tend la main vers elle. On entre dans un monde qui ne vieillit pas, presque surnaturel où gestes et attitudes du quotidien s’approchent du sacré.

Hélion : Je me sens proche de Hölderlin, avec le même goût, ou le même sens de l’ordonnance universelle, manifestée par toute chose ; la remise de tout cas particulier dans son contexte général : le théâtre où les dieux descendent vers le moindre objet.
Les dieux prennent pour moi le visage des objets, des passants, de ce temps que je vois à la fois catastrophique et béni.
La viande va au sacrifice.

A.M.

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