Cette peinture de 1960, année où Fred Deux devient définitivement lui-même, donne une vision spontanée d’un paradis joyeux. Elle est aussi un hymne à la naissance. La composition est délimitée par des accouchements, à l’arrière et à l’avant d’un monde qui se déplace lentement, comme le songe d’un rêveur éveillé sur une embarcation.

Les passages et superpositions des couleurs contribuent à nous glisser hors du temps, au rythme des pulsions soulignées par une longue traînée rouge à érections multiples.

Des mères-terres enfantent. Les corps se multiplient, libres, souples, plein de vitalité, amoureux, coquins et drôles. Leurs silhouettes noires et découpées ont la vigueur des statues d’art premier auprès desquelles Fred s’est ressourcé régulièrement.

Pourquoi une peinture, alors que les œuvres sans dessin sont très rares chez Fred Deux qui se présentait lui-même comme dessinateur ? Sans doute, parce que l’évidence du sujet s’est imposé à lui d’emblée, comme un phare pour son œuvre future et qu’il l’a réalisé très vite.

Son dessin plus analytique venait lentement, conduisait sa main vers des signes de vie qu’elle portait au jour. Rien de gratuit, ni de répétitif dans la précision de son trait. Fred Deux s’est renouvelé à chaque dessin ; d’abord parce que la vie nous échappe toujours, en particulier les mystères de la naissance, de la formation cellulaire, de la fertilité et de son expression phallique, des ancêtres, de la transmission, de la mémoire ; mais aussi parce qu’il savait prendre du recul en écrivant des poèmes interrogatifs sur son médium.
La couleur n’était pas absente de son œuvre. Elle est revenue régulièrement, sous forme de fond aquarellé, et parfois de peinture qu’il appellera tâche. Cf. Les spermes colorés.

La découverte des Goldbilder (peintures dorées) de Godeg, en 2002, a ouvert définitivement Fred Deux à la puissance métaphysique de la peinture. Ses dessins sont devenus des peintures-dessins qui le rapprochent maintenant de certains des plus grands artistes actuels.

A.M.