«Hong InSook, création de mémoires»

Hong InSook, Trace, 2022, encres de Chine et gouache sur papier, 80 x 120 cm

Hong InSook nous a brutalement quittés le 1er août 2025, à 66 ans. L’hommage que nous lui consacrons à la galerie met en évidence l’originalité de sa démarche et son apport à la scène artistique contemporaine.

Son fil directeur est un besoin existentiel de rapprocher ses deux cultures, coréenne et européenne, de les fusionner, pour trouver grâce à l’art un équilibre de vie sur des bases nouvelles et enrichies. Pourquoi avoir choisi la France, plutôt que les Etats-Unis où pourtant davantage de compatriotes s’étaient installés? Pour Matisse, disait-elle, et notre pensée du paysage. En 2005, elle obtint son diplôme à l’École des beaux-arts de Versailles.

Hong InSook s’interrogeait sur les spécificités, d’une part, de la très ancienne civilisation coréenne dont ses grands-parents lui transmirent l’esprit et quelques habitudes de vie et de comportement (respect des ancêtres, culte quasi religieux des montagnes, offrandes de la nourriture), et, d’autre part, de la civilisation européenne qu’elle découvrit en France, où elle s’installa en 1997. Elle y fit de nombreuses lectures, philosophiques (en particulier Nietzsche) et littéraires (Victor Hugo, Baudelaire, Proust), y découvrit la musique (Wagner, Listz…), notre histoire de l’art dans les musées d’Europe qu’elle fréquentait assidûment et la créativité contemporaine (Pollock, Hantaï, Soulages).

Sa peinture reste, à beaucoup d’égards, profondément coréenne. Dans ses paysages maritimes ou montagnards dominent les fusions entre roche et eau, montagne et mer, minéral et végétal. La complétude des détails renvoie aux canons artistiques traditionnels de l’Extrême-Orient : chaque fragment doit être un tableau à lui tout seul.


Elle utilisait des matériaux proches de ceux des artistes traditionnels coréens – papiers et encres de Chine minutieusement choisis, tout en mélangeant ses encres à de la gouache et en adoptant la technique occidentale « a fresco », sur papier humidifié. Elle a rejeté l’outil de précision qu’est le pinceau en peinture comme en calligraphie, opté pour un corps à corps entre son énergie intérieure et « l’Action Painting » des années 50. Elle laissait un rôle au hasard dans ses fusions de couleurs, avec le sentiment que les formes s’y créaient ainsi plus naturellement, comme dans son jardin, échappant (un peu) à l’extraordinaire précision de ses mains.

Après un moment de profonde méditation, son processus de création devenait très physique, comme une danse à l’aveugle avec un papier parfois plus grand qu’elle, humidifié – donc lourd et fragile -, pour guider, en y jetant de temps à autre un bref regard, ses dispersions d’encre de Chine et de gouache là où la conduisaient ses souvenirs de nature et sa quête d’une spiritualité harmonieuse.

Au final, ses peintures représentent, avec parfois une étonnante précision, ce qui reste des souvenirs de sa vie, de ce qu’elle a vu, aimé et ressenti. Son utilisation de procédés aléatoires des peintres abstraits occidentaux – le « dripping » de Pollock combiné avec des soubresauts de papier – permet aussi, à celui qui regarde attentivement, de laisser libre cours à ses propres souvenirs, à ses désirs de voir et à son imagination. D’où le choix de l’artiste, pour ne pas interférer, de donner à toutes ses œuvres le même nom : Traces.

En dépit de la discrétion de sa personnalité, ses œuvres ont été exposées régulièrement, en Allemagne (2007), à l’abbaye de Beaulieu (2001), au musée Cernuschi (2015), à l’abbaye d’Auberive (2018)… Début 2025, l’exposition du musée Bernard Boesch (La Baule, janvier-mars 2025) lui avait permis de rencontrer toujours plus son public. La galerie l’accompagnait depuis 2006.

En relation avec des peintures phares qui jalonnent l’ensemble de son parcours, nous vous proposons de découvrir ses dernières œuvres dont l’énergie s’impose. 
 

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