Bernard Réquichot, penser par la peinture

Bernard Réquichot, sans titre, avant 1952, huile additionné de sable sur toile, 97 x 56 cm

L’an dernier, le Centre Pompidou avait titré sa rétrospective Bernard Réquichot: Je n’ai jamais commencé à peindre. Un paradoxe, pour quelqu’un qui a consacré les cinq premières années de sa vie d’artiste exclusivement à la peinture (et au dessin), les six suivantes, avant sa mort prématurée à 32 ans, à créer de nouvelles formes d’expression plastique (papiers choisis, écritures illisibles, reliquaires, enroulements de toile, sculptures en anneaux de polystyrène, découpages et collages de fragments de ses peintures), non pour s’éloigner de la peinture mais pour en élargir les possibilités d’expression. Jusqu’au bout, la pictural a gardé un rôle central dans son oeuvre.

Ses reliquaires sont recouverts de peintures; ses sculptures sont formées de toiles peintes enroulées; ses anneaux de polystyrène donnent une forme tri-dimensionnelle aux dessins de spirales; la peinture se confond avec les collages de photos magazines de ses papiers choisis; peinture et dessin ne font qu’un sur ses traces graphiques. Ses peintures des dernières années (en particulier les Guerres de nerfs et les Ciels prolifiques) sont des aboutissements de toutes ces recherches picturales.

Pourquoi donc Je n’ai jamais commencé à peindre? Sans doute Réquichot voulait-il suggérer qu’il n’était jamais allé jusqu’au bout de la haute idée qu’il se faisait de la peinture, « cosa mentale », pour scruter la formation de nos pensées et émotions, et s’approcher de la double énigme de notre existence et de notre place dans l’univers et le temps ?

Son oeuvre est restée d’autant plus secrète qu’il ne s’est jamais exprimé directement à son sujet. Ses écrits, parmi lesquels des écritures de poésie sonore, sont davantage une autre forme de création, complémentaire de l’oeuvre plastique qu’une explication. Ils rejoignent ses recherches graphiques sur les écritures illisibles.

Cette nouvelle exposition est accompagnée d’un livre d’Éric Méchoulan, ancien Professeur à l’université de Montréal et au Collège international de philosophie, actuellement à Oxford, Je ne sais pas c’qui m’quoi, enquête sur une expérience esthétique avec Bernard Réquichot, que nous co-éditons avec l’Atelier Contemporain.

A.M.

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