Godeg – Music

Zoran Music, Cavalli che passano, 1949, huile sur toile, 29,5 x 44,5 cm

Au delà de ce qui les sépare, Karl Godeg (dont une peinture dorée est actuellement accrochée au cinquième étage du Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou) et Zoran Music (auquel le Musée d’art et d’Histoire du Judaïsme consacre une exposition, Zoran Music, « Nous ne sommes pas les derniers », du 28 janvier au 15 juin 2025) présentent de nombreux points communs. Ils ont tous les deux été marqués par la mort, le drame des camps : l’un l’a vécu, l’autre en a affronté la culpabilité mémorielle. Les deux n’ont cessé de rechercher une beauté qui donne du sens à la vie, en filiation avec le romantisme allemand. Leurs oeuvres les plus intéressantes sont à double lecture. Ils sont très sensibles à la beauté des paysages et à la terre où la mort ressurgit. 

Déjà de 1959 à 1961, la beauté des ciels et des paysages de Godeg laisse transparaître quelque chose de sombre et de dramatique. Puis ses peintures dorées, de 1962 à 1966, évoquent des silhouettes anthropomorphes qui se détachent sur un fond sombre et que des fils enduits de peintures recouvrent en lacis (extrait du cartel du Centre  Pompidou). Godeg semble alors puiser dans le sous-sol la lumière de l’or, l’eau des émeraudes, un peu de terre noire qui magnifient une vie silencieuse et lente. À la bougie, les silhouettes semblent sortir du tableau .

Leur beauté évoque la fragilité de l’existence, la possibilité d’un au-delà, d’une rédemption; et tout autant l’horreur des forces du mal, des camps, sans rien d’explicite. Godeg d’ailleurs, s’est exprimé sur la technique de sa peinture, le peindre, mais jamais sur le fond, la délivrance d’un message. Sous les nazis, c’était par prudence, après une descente des SS chez lui, en 1933. Vingt ans après, il s’est heurté, à son tour, à l’impossibilité d’élaborer une mémoire collective.

Quant à Music, son parcours est plus connu : son refus de collaborer avec les nazis qui lui a valu de frôler la mort à Dachau; son besoin de revivre à travers la poésie, la beauté, l’amour d’Ida, son épouse; la résurgence violente des images de la mort qu’il avait réussi à contenir; un relatif apaisement à travers ses Paysages rocheux, des Intérieurs de cathédrale, des vues de Venise. La confrontation avec la mort donne une profondeur et une force de vie bouleversante à ses œuvres réussies, des plus poétiques comme les Chevaux qui passent et les Collines dalmates jusqu’aux grands Autoportraits de la fin de sa vie.

Nous mettrons en correspondance pour cette exposition une vingtaine d’œuvres de chacun des deux artistes.

A.M.

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