Hélion à la Royal Academy
Peter Doig, comme beaucoup d’artistes, a découvert Hélion lors d’une exposition devenue légendaire : A new spirit in painting à la Royal Academy of Arts de Londres, en 1981.
La lecture du catalogue permet à la fois de mieux comprendre l’importance d’Hélion et les raisons de son rejet, jusqu’à ces dernières années, en France.
L’exposition dévoilait un choix remarquable d’artistes alors jeunes, aujourd’hui reconnus. Ils ont été confrontés avec six artistes plus âgés : un anglais, Bacon; deux français, Balthus et Hélion (six peintures de 1973 à 1978); deux américains, Guston et Willem de Kooning; un chilien, Matta. Ces peintres plus âgés font partie des grands artistes d’aujourd’hui, peut-on lire. Leurs œuvres ont de réelles affinités avec les plus jeunes, par leur intensité, leur intérêt obsessionnel sur ce que la peinture peut communiquer et leurs ressemblances stylistiques… De Kooning, Hélion et le Picasso de la dernière période ont joué un rôle de précurseur pour les nouveaux peintres allemands (Baselitz, Penck, Hödicke, Kiefer, Fetting…), Malcolm Morley ou Kirkeby.
Court rappel historique, toujours dans ce catalogue :
Après les années 60 et la croyance que l’art pouvait contribuer à changer la société, la peinture n’a cessé de perdre du terrain par rapport aux photos, vidéos, installations, performances. Le choc pétrolier de 1974 a entraîné un repli sur l’art pour l’art. A prévalu l’idée que l’art s’est développé linéairement de Cézanne au minimalisme, jusqu’à l’impasse. L’avant-garde des années 70 a été autodestructrice, avec une approche étroite, puritaine et un refus de toute joie des sens. La conséquence : une stagnation dans la création, la prohibition des expériences subjectives, l’exclusion de la sensualité et des affects. La peinture a été considérée comme un anachronisme absolu.
Cela a été particulièrement le cas en France où l’accrochage de la Royal Academy a été minimisé et Helion passé à la trappe. La grande exposition de Didier Ottinger au Centre Pompidou, en 2004, a été fortement critiquée parce que Hélion était, alors, considéré comme un artiste sans intérêt. Pourquoi? Un acteur du monde de l’art français, à court d’arguments, m’a finalement dit : «parce que nous l’avons décidé»!
Rien de tel en Allemagne ni dans les pays anglo-saxons, d’où les plus grands artistes actuels ont émergé, dont plusieurs admirateurs d’Hélion.
Revenons au catalogue : les peintres dignes d’intérêt ont mené une bataille souterraine contre les normes officielles. Ils ont dû défendre le droit d’être artiste, de se définir comme des individus; défendre la créativité individuelle, la responsabilité, la qualité quand elle jette une lumière sur les conditions de l’art contemporain et, par association, sur la société dans laquelle il est produit.
Et plus précisément, à propos d’Hélion : ses formes, simples et universelles, donnent vie au principal sujet de ses peintures : des scènes de la vie urbaine. Pour Hélion, l’art est une forme d’écriture dans laquelle les images sont un équivalent de la calligraphie, et de ce fait ont le pouvoir, comme les mots, de transmettre des messages.