Soudain éblouissement

Fred Deux, « Soudain éblouissement », 2012, encre, crayon sur tache argentée, 104 x 66 cm

Nous consacrons notre deuxième exposition Fred Deux, cette année, à l’occasion des 100 ans de sa naissance, à sa dernière période, de 2002 à 2013. Une époque où nous étions très proches, amis. La galerie le représentait en exclusivité.

Ce n’est pas la première fois que Fred Deux utilisait la peinture dans ses dessins. Il qualifiait auparavant celle-ci de tache. Il avait même réalisé quelques œuvres entièrement peintes (toujours sur papier). Mais désormais, plus précisément depuis Soudain éblouissement, 2012, la peinture joue un rôle essentiel.

Le processus d’élaboration à partir de la tache est le fondement de mon travail actuel, m’a-t-il dit. La couleur me conduit, ce n’est pas moi qui la conduis.

La peinture irrigue désormais ses dessins, se substitue, totalement parfois, à la mine de plomb ou à l’encre. Elle les régénère.

L’artiste s’est donné les moyens de se renouveler jusqu’à la fin, sans se répéter, ni s’arrêter à des images. Il a poursuivi sa quête du vivant, sur des pistes plus métaphysiques, spirituelles, comme il l’avait commencé dans les années 80, en enrichissant ses recherches des révélations de la peinture abstraite. Réquichot (exposé comme lui chez Daniel Cordier) et Karl Godeg, un frère en art découvert à la galerie, lui ont ouvert une voie, qu’emprunteront également d’autres artistes.

Fred Deux était plus heureux, plus ouvert au monde, aimait nos bons dîners, s’émerveillait devant la nature, les oiseaux, les brindilles, toutes les petites choses qu’il admirait le long de l’Indre, à la Châtre, et qui ont nourri ses couleurs.

Sur ma feuille, l’oiseau regarde ce que je fais. Ici, ensemble, dans notre nid, je suis la branche à laquelle il se retient.

Finir n’est qu’un long commencement. C’est un hymne à la joie qui vole et tourne. Puis tout s’efface.

Fred Deux, novembre 2012, mine de plomb et peinture cellulosique sur papier, 73 x 53 cm

 

Après une dangereuse opération cérébrale, au printemps 2012, il a titré un dessin Fred Deux le dur, un autre Je veux m’arrêter sans le pouvoir.

Je voulais, je voulais…je…oui, je voulais ce qui est impossible. Je me débattais pour continuer et aller au-delà et aller loin. Plus loin. Il fallait sauter. Aller sous le papier et ne plus revenir.

Je voulais me jeter, me donner au loin.

Fred luttera pour retenir dans le filet de son dessin l’ascension des couleurs. Ses œuvres ultimes sont un double témoignage particulièrement sensible et juste de Dur désir de durer ( Paul Eluard) et d’Acceptation.

A.M.

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