Au-dedans
La guerre a souvent eu une influence décisive sur l’évolution des artistes. Elle a conforté la décision de Jean Hélion ou d’André Derain de revenir à la figuration. Pour Jean Bazaine, le cheminement paraît inverse. Jusqu’alors figuratif néo-cubiste, son immersion dans le réel l’a éloigné de la représentation des apparences, mais pour mieux saisir la nature de l’intérieur et fusionner avec elle.
Pendant la guerre (39-41), je n’étais plus en face du monde, mais dans un au-dedans, non plus devant un monde regardé, et, dans le meilleur des cas, contemplé, mais dans un monde subi, absorbé. J’étais mêlé à l’homme et à ses racines profondes.
C’est alors que Bazaine est devenu peintre, qu’il a trouvé sa vérité en peinture, qu’il a pu incarner sa profonde culture philosophique et littéraire (l’élan vital de Bergson, le corps voyant et vu de Merleau-Ponty, la mémoire involontaire de Proust…). Il deviendra proche des grands poètes de sa génération, en particulier de Jean Tardieu.
Il s’agissait pour lui, désormais, d’incorporer par la main, plus profondément que par la vue, les rythmes de la nature, ses forces, des structures, les faire siens.
Depuis la fin des années 40, Jean Bazaine nous fait respirer la fluidité, la mer, l’air, pour en exprimer le flux incessant, une vie en devenir, l’élan de la vie spirituelle. Il recherche une co-présence du monde et de soi autour de la permanence du passage du temps, ce qu’il nous transmet dans les grandes aquarelles et les toiles que nous montrons actuellement à la galerie.
Le monde formel devient réel au moment où il échappe, au moment où rien ne s’oppose plus plus à sa fluidité changeante. L’unité du monde n’existe qu’en mouvement, elle est le mouvement même de l’unification.
A.M.
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