Regard sur Karl Godeg
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Un paysage énigmatique de Karl Godeg
A première vue, ce tableau est idyllique, beau, lumineux, ondoyant, caressant, les couleurs se répondent, le gris et le noir font ressortir les couleurs de la végétation et le blanc de la façade. Un vert émeraude accompagne le sol terreux et la palissade terre d’ombre crée une porosité entre les différents plans qui s’enchainent avec fluidité et élèvent notre regard vers la maison qui tend, elle, vers le ciel.
Un vent tempétueux caresse la surface de la toile. On pourrait entendre le frémissement du grand arbre envahissant à gauche, un symbole de vie. Les feuilles ont la douceur d’une fourrure.
Nous paraissons conviés à rester à distance et à nous délecter de ce paysage romantique allemand. Et pourtant ?
Comme dans un film de Hitchcock, la maison devient vite inquiétante. Aucune fumée ne s’échappe de la cheminée alors que le ciel orageux suggère une météo tourmentée et froide.
Le cadrage frontal plaque la palissade sur les murs et les étouffe. Les orifices sont aveugles, d’un noir total et sans rémission. La vie paraît anéantie.
Et tout ce noir calciné et froid sur le côté de la maison qui nous fait face? N’est-ce pas de lui que naît ce ciel d’orage comme celui des crucifixions, un ciel qui accompagne la mort ou ce qu’il en reste. Alors, la lumière sur la façade prend des allures de torche, de projecteurs sur un mur sali. Une descente meurtrière? L’horreur est-elle dite silencieusement, pour contourner la censure ?
On est en 1935.
A.M.
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