Zoran Music et Fred Deux
au plus près de la vie
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Nous montrons au cours de cette exposition une vingtaine d’œuvres de Zoran Music, peintures, aquarelles, dessins et gravures ; et une vingtaine de dessins, certains de très grand format, de Fred Deux.
Il s’agit de notre première exposition de Zoran Music, que nous déjà avons montré régulièrement, depuis 1993, en accrochage collectif.
Fred Deux est représenté par la galerie depuis 1999 : nous explorons régulièrement de nouveaux aspects d’une œuvre qui touche de façon remarquable les plus jeunes générations.
Malgré une approche différente, à travers l’apparence pour Zoran Music, le ressenti de la vie intérieure pour Fred Deux, les œuvres de ces artistes solitaires se répondent et s’enrichissent, avec des proximités inattendues. Solidement inscrites dans l’histoire de l’art, elles le sont aussi dans celle du XXème siècle.
Zoran Music a retranscrit les derniers soubresauts apparents de « cadavres » dans les camps. Le pire, c’était beau. Après une période plus poétique par compensation, l’horreur reviendra le hanter dans les années 70, « Nous ne sommes pas les derniers ».
Sauf dans sa période abstraite des années 60, où, de son propre aveu, il s’est fourvoyé, il n’a cessé de confronter la beauté de la vie et la mort, en déplaçant le curseur, suivant les périodes, plutôt vers l’une, plutôt vers l’autre.
Le grand luxe d’un artiste, c’est de vivre toute notre vie avec seulement quelques images mais qui sont les nôtres, m’a-t-il dit, lors de notre première rencontre en 1978. Dans son œuvre, celles-ci se chevauchent, se répondent ou s’annoncent. Les créations les plus intéressantes de Music vibrent de l’ensemble de son œuvre.
Dans ses chevaux et collines dalmates, la mort reste parfois en embuscade. Parmi des motifs végétaux, certains luxuriants, des branches calcinées évoquent des cadavres dans des barbelés. Des crânes surgissent des paysages rocheux. Fenêtres et porches des cathédrales et des maisons vénitiennes suggèrent parfois une silhouette aimée, parfois le vide de la mort. Des squelettes dessinent des grues et des bateaux sur la Giudecca. Leurs dernières forces de vie créent la beauté de ses autoportraits et ceux de son épouse, Ida.
On pourrait dire que Music, né à Trieste, a porté le flambeau du romantisme allemand à la lumière crue des horreurs du XXème siècle autant qu’à celle dorée de Venise et de l’Orient.
L’œuvre de Fred Deux se situe également dans l’héritage du romantisme, mais du côté de la naissance à une vie lucide et créatrice, ce qui en fait toute l’originalité. Il a combattu pour la vie par opposition, moins à la mort qu’au risque d’une existence végétative, aveugle et inculte.
Au début des années 60, débridée par ses écrits , en particulier la Gana, la sexualité puissante qu’il exprime tire vers la fertilité, des cellules deviennent fétus, des palpations d’organes et des jeux de pulsions construisent des corps. Plus tard, autour de 1980, ses « autoportraits » sont structurés par des systèmes nerveux qui irriguent, écartèlent ou accouplent.
Fred Deux était respectueux du corps, en particulier du sexe féminin, de ce qu’ils dictent à nos sens, à notre imaginaire et à notre pensée.
Tout en laissant dire le dessin, il s’est transformé en guetteur vigilant de la vie, parfois à la lumière blanche des radiographies, parfois à celle diaphane des rêves éveillés.
Article dans L’Œil : https://galerieamargaron.com/zoran-music-et-fred-deux-dans-loeil-octobre-2022/
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Une réponse
Plaisir de voir des œuvres de Zoran Music, mais surtout de découvrir ce rapprochement inattendu avec des œuvres de Fred Deux.
Il ne semble pas évident au premier abord, mais on découvre, en prenant le temps de regarder (de voir), que celui-ci existe dans le geste, dans certaines formes, et l’économie des moyens d’expressions…
L’exposition est une réussite.
Bien cordialement
Gaetano Persechini