Télé-peinture ou présentiel ?

Jean Hélion, "Vanité", 1958, huile sur toile, 64 x 49 cm

Les facilités de reproduction, en particulier sur Internet, et leur qualité contribuent à mieux faire connaître les artistes et leurs œuvres. Dans le monde entier, on peut désormais piocher dans ce qui devient un patrimoine commun : la peinture des différents siècles, des différentes civilisations. Et les possibilités d’agrandissement des détails, de déplacement des œuvres rendent plus aisées analyses et descriptions.

Les reproductions peuvent, souvent, donner la pleine mesure d’œuvres démonstratives dont la priorité est de faire passer un message, dénoncer des injustices, capter le politiquement correct ou l’air du temps. Les propositions les plus photogéniques, flatteuses, accessibles sans effort et aisément reconnaissables sont favorisées.

Et il est d’autant plus facile de les choisir à distance que beaucoup d’artistes contemporains font de l’homogénéisation de leur production une priorité. Avoir vu une de leurs œuvres, sur un stand ou en galerie, donne une idée assez précise d’une autre.

Les choses sont différentes pour les artistes qui poursuivent une idée, avec plus ou moins de succès, ont une ligne directrice, avec des incertitudes, des doutes, mais toujours la volonté d’aller plus loin.

Sans leur fréquentation dans l’environnement silencieux d’un musée, le cadre intime d’une galerie ou chez soi, leurs tableaux ou leurs sculptures risquent de devenir des images parmi d’autres dans un monde qui en est saturé.

On ne profite pleinement de leur force vitale qu’en affrontant directement ces œuvres, en présentiel. Quelque-chose d’indéfinissable mais d’essentiel échappe à leur reproduction, lié à la taille, à la matière, à la confrontation avec la lumière du lieu. Elles sont amputées d’une partie de leur force d’étonnement, de questionnement, d’éveil du regard.

Le choc de leur présence est indispensable pour révéler leur force. D’abord parce qu’elles sont beaucoup plus belles qu’en reproduction. Sinon, c’est inquiétant. Et parce qu’elles doivent être vues en vrai pour déclencher le dialogue intime et durable qui fait de la peinture un socle de civilisation.

Ce dialogue, où nous devons trouver nos propres mots, nous aide à nous approprier notre culture, littéraire, philosophique, scientifique, les sciences humaines…, suscite ces éternels questionnements sans réponses certaines qui constituent le fond de l’humanité. Il aide aussi à appréhender plus directement, par la sensibilité et la pensée, le monde qui nous entoure et à prendre davantage conscience de soi.

A.M.

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