Notre exposition actuelle, « Sous les auspices de la peinture » incite à se poser la question : quand une peinture est-elle de l’art et pas seulement un travail plus ou moins accompli ? La définition de l’art est source d’exclusions, de mépris et d’incompréhension en fonction des idées dominantes du moment, des luttes d’influence et des intérêts financiers des acteurs du marché. De nouvelles générations d’artistes, pour se faire une place, défendent un autre type d’art. Des conservateurs, des commissaires d’exposition et des critiques trouvent dans une définition exclusive de l’art une source de pouvoir. Et certains qui ont misé sur une « école » ne veulent pas entendre parler d’alternatives, pour consolider leurs investissements. Des propositions actuellement admises comme artistiques ne le seront sans doute pas demain, et probablement à l’inverse, après la période anti-peinture que nous venons de traverser, des artistes laissés de côté intègreront le cénacle. Et pour nous, qui regardons tous les jours avec un regard neuf les œuvres que nous aimons, quel est le critère ? Après les paysages de nos vacances d’été, la comparaison avec la nature s’impose. Celle-ci est belle parce qu’elle est vivante, même les montagnes qui surgissent de l’éternité, les rochers qui gardent l’énergie de leurs mouvements, ébauchent parfois des sculptures. La réussite d’une œuvre se reconnaît à un souffle, à une certaine lumière sur un dessin, à sa force de vie, au rythme qu’elle dégage, à la respiration des espaces qui relient les éléments, à la fascination qu’elle exerce, à l’éveil de notre imagination et aux observations qu’elle suggère. « Je peins abstrait parce que la nature est abstraite », disait Laubiès. Ses peintures lisses aident à mieux adhérer, plus lucidement aussi, aux ciels et aux bords de mer. L’abstraction de Jean Hélion qui a nourri toute son œuvre n’est pas seulement géométrique. L’abstraction lyrique a contribué aussi à l’enrichissement de sa « touche » et à sa fusion des deux langages, abstrait et figuratif. Zoran Music, depuis l’horreur des camps déplace d’une période à l’autre le curseur entre les souvenirs qui ressurgissent et l’appel de la beauté, celle des paysages dalmates, du visage de Ida, de Venise. Godeg a expérimenté la même voie, vers 1960, dans des œuvres plus romantiques, allemandes et sans naïveté. L’art s’éprouve plus qu’il ne se définit. Si une œuvre s’épanouit sur nos murs, aucun doute, c’est bien de l’art. D’où l’importance d’avoir pu la contempler tranquillement, comme chez soi, dans un lieu pour voir. A.M. |