Le palmier de Mougouche
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Le défi de Hélion n’était pas seulement de voir mais de comprendre, encore plus à la fin de sa vie, quand il était quasiment aveugle.
Ce palmier, dit de Mougouche, la veuve d’Arshile Gorky, fascinait Hélion depuis qu’il l’avait vu, l’année précédente à Ronda, une petit ville d’Andalousie coupée par un précipice, à 800 mètres d’altitude.
C’est une sorte de cadran solaire où chaque feuille est l’index d’une minute particulière. Pourtant, tous ces gestes procèdent d’un seul mouvement et toutes ces minutes définissent les facettes d’un seul mouvement solaire. Je suis gêné, bien sûr, par mon peu de vue, mais plus encore par mon peu de compréhension.
Un an plus tard, quand il peint l’œuvre : Je m’attache, sur nature, à chiffrer ce palmier aux branches multiples qui font des angles dans toutes les directions et que ma vue très déficiente me rend difficiles à voir. Dans le driède de deux palmes s’ouvre le chemin de l’atelier.
La maîtrise de la vivacité des couleurs fait oublier la malvoyance de son auteur.
Un personnage vêtu en monochrome vert pâle, sans doute l’artiste, apparaît, le pas décidé, sur le seuil de l’œuvre. Il écarte les branches sous une fanfare méridionale de couleurs. Celles-ci s’élèvent, s’étalent ou s’affaissent, prennent leur aise dans la géométrie légère des murs et du sol. L’arbre semble revigoré par la coupe de branches mortes en bouquet de cicatrices rondes. L’excroissance d’une longue branche colorée recouvre du poids de sa lenteur la chaise longue désertée.
Nous invitant à méditer sur les différents âges de la vie et sur le sens de sa peinture, Hélion ambitionne de saisir le vivant autant par la pensée que par la vue, qui lui échappe.
Le défi d’un peintre est de voir et encore plus de penser.
Il doit comprendre et donner forme sans réifier.
A.M.
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