François Lunven : peintures, gravures et dessins

François Lunven, Sans titre, 1969, huile sur toile, 114 x 195 cm

Notre nouvelle exposition est consacrée, 50 ans après sa mort, à François Lunven : gravures tirées en peu d’exemplaires, dessins à la mine de plomb ou au stylo-bille, et grandes peintures dont les couleurs semblent sorties d’un atelier contemporain, acides, fluorescentes, presque psychédéliques, mais en rebondissant sur celles, au XVIème siècle, de Pontormo. Devant l’une d’entre elles, Daniel Cordier s’est écrié, en 2015, : « Comment se fait-il qu’il n’était pas à ma galerie, celui-là ! ».

Pour Alain Jouffroy : « Lunven a accompli en un temps record (de 1962 à 1971) l’une des œuvres les plus cohérentes, les plus perçantes et les plus justement obscures de notre temps ».

On sait peu de choses sur cet artiste mort à 29 ans, par défenestration, comme Bernard Réquichot, mais plus par accident, à la suite de médicaments mal dosés que par désir suicidaire.

Son suicide, mal interprété, et la méconnaissance de son œuvre peint ont longtemps fait de Lunven l’artiste tragique et maudit qu’il n’était manifestement pas. Son œuvre interroge davantage la naissance, l’énergie et sa dégradation que la brutalité de la mort, davantage aussi l’avenir de l’humanité qu’un destin individuel.

Comme beaucoup de grands artistes, sa curiosité était sans limite : pour l’anatomie et la botanique, comme pour les découvertes scientifiques et intellectuelles de son temps : mathématique, théologie, philosophie, linguistique, biologie… Il avait de longues conversations avec le professeur Bernard Canguillem sur le second principe de la thermodynamique, le phénomène de l’entropie (dégradation de l’énergie), au centre de son œuvre.

Il a été intégré aux artistes de l’avant garde de son époque, souvent exposé, principalement comme graveur, notamment, en 1970, à l’ARC du musée d’art moderne de la ville de Paris .

Et pourtant, il ne partageait pas le rejet du savoir peindre et dessiner des artistes de sa génération et ni leur refus de tout contenu personnel. La gravure canalisait une virtuosité exceptionnelle. Il en maîtrisait et conjuguait toutes les techniques : la pointe sèche, comme l’eau forte, la manière noire, le criblé… directement sur la plaque, sans dessin préalable, dans des formats parfois impressionnants pour ce type de technique, pour donner naissance non pas à de belles reproductions mais à des œuvres vivantes et inépuisables. De même, son toucher d’une précision exceptionnelle lui permettait des variations d’intensité sans bavure sur des dessins au stylo-bille dont le risque d’effacement à la lumière rappelle le phénomène d’entropie.

Il ne se définissait pas comme graveur, dessinateur, ou peintre, mais comme morphologue, un créateur de formes, et souhaitait que son dynamisme de formes contradictoires, triangulaires et arrondies, animales et métalliques, osseuses et machinales provoque une réaction du spectateur, dans l’esprit des performances et des « happenings » de son époque.

« Le regard est action, a-t-il écrit : j’agis ou je ne vois rien. Parfois, je regarde avec un couteau et mon regard fait à la réalité ce que le couteau fait aux pages du livre ».

A.M.

François Lunven, « D’un moment à l’autre », 1968, gravure, 97 x 68,5 cm

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