Au plus près de la conscience

Fred Deux, 1984, mine de plomb sur papier, 23 x 26 cm

Comment se fait-il que Fred Deux ait pu créer des formes iconiques, mémorisables sans composition préalable dans sa tête, mais en laissant le dessin guider sa main ?

Deux était guidé par le foisonnement de sa mémoire, enfouie ou transformée en légendes ; par ses angoisses, ses apaisements, des fantasmes entretenus par des choix de vie imposés et acceptés, avec, les dernières décennies, un relatif détachement propice au recueillement.

Comme tout artiste digne de ce nom, Fred Deux est aussi un penseur. Grand lecteur de poésie, il n’a lui-même de cesse de questionner le sens de ses dessins. De courts poèmes accompagnent leur élaboration.

C’est parce qu’il était autant chercheur que sismographe que Fred Deux est devenu un créateur de formes vivantes qui cernent au plus près certains aspects de la condition humaine.

Dans la seconde moitié des années 70, l’obsession de ce qu’il nommait la chose, l’appel de la mort, déformait les corps dans un canevas géométrique, avec une violence, inhabituelle chez lui, contenue dans l’acuité des traits.

Hormis cet épisode, on ressent de plus en plus, ensuite, d’amour, de quête de vie, d’interrogations spirituelles, de relations interpersonnelles, de transmission intergénérationnelle, avec un souci constant d’écarter les images toutes faites ou trop faciles. Daniel Cordier a pris conscience à la galerie, avec enthousiasme, de sa force créatrice et de l’incessant renouvellement de son œuvre.

La sexualité est devenue fertilité et vénération du corps de la femme, de sa capacité à donner la vie. La Sainte vulve est lumineuse. L’amant fait place à l’enfant, qui deviendra chercheur.

À partir de 2003, son grand retour à la couleur, dont les œuvres de Godeg lui ont révélé la richesse métaphysique, l’ouvre encore davantage à la vie. Il parle de l’homme merveilleux, puis met toute son énergie à poursuivre l’expérience du dessin jusqu’au bout, face à la disparition qui l’aspire, vers quoi ?

A.M.

Fred Deux, 2013, encre de Chine et peinture cellulosique sur papier, 50 x 32 cm

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