Zoran Music, vivre avec quelques images
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Zoran Music est devenu artiste en retranscrivant sur place les derniers soubresauts de « cadavres » dans les camps. Le pire, c’était beau. Après une période plus poétique par compensation, l’horreur reviendra le hanter dans les années 70, avec comme point culminant une série qu’il a intitulée Nous ne sommes pas les derniers.
Sauf dans sa période abstraite des années 60, où, de son propre aveu, il s’est fourvoyé, il n’a cessé de confronter la beauté de la vie avec la mort, en déplaçant le curseur, suivant les périodes, plutôt vers l’une, plutôt vers l’autre.
Le grand luxe d’un artiste, c’est de vivre toute notre vie avec seulement quelques images mais qui sont les nôtres, me dira-t-il également, lors de nos entretiens en 1980. Dans ses peintures, dessins et gravures, celles-ci se chevauchent, se répondent ou s’annoncent. Les créations les plus intéressantes de Music vibrent de l’ensemble de son œuvre.
Dans ses chevaux et collines dalmates, la mort reste parfois en embuscade. Parmi des motifs végétaux, certains luxuriants, des branches calcinées évoquent des cadavres dans des barbelés. Des crânes surgissent des paysages rocheux. Fenêtres et porches des cathédrales et des maisons vénitiennes suggèrent parfois une silhouette aimée, parfois le vide de la mort. Des squelettes dessinent des grues et des bateaux sur la Giudecca. Leurs dernières forces de vie créent la beauté de ses autoportraits et ceux de son épouse, Ida.
On pourrait dire que Music, né à Trieste, a porté le flambeau du romantisme allemand à la lumière crue des horreurs du XXème siècle autant qu’à celle dorée de Venise et de l’Orient.
A.M
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