Regard sur Michel Macréau

Michel Macréau, « La femme dans l’antichambre », 1962, huile sur toile, 160 x 115 cm

Une oeuvre complexe de l'artiste Michel Macréau

« La première pulsion est la réalité : le corps, moi, ce que je vois… ».

Ce tableau complexe et à première vue hermétique est construit comme un damier à 4 cases qui se lit comme un vitrail.

Des traits épais, noirs, à l’image d’une clôture en fer forgé, couvrent la presque totalité du tableau. Ils divisent l’espace frontalement, donnant l’impression d’un devant et d’un second plan derrière une grille.

Trois têtes, dans trois cases différentes, donnent corps à cette notion d’intérieur-extérieur : une Femme, personnage titre, s’étend sur toute la partie droite devant la clôture, dans ce que nous pourrions nommer, « l’antichambre ». Son bras levé encadre la partie gauche de son visage, douloureuse. Elle brandit un couteau au dessus de sa tête. Son oeil est grand ouvert, cerné en pointes, anguleux et dur, la joue hérissée de piquants. Un « casque » et une muselière, tous deux grillagés, la protègent et l’enferment.

L’ambiguïté se lit aussi dans le portrait, rose, diamétralement opposé à celui de la Femme. Les dents sont prêtes à mordre mais ses deux yeux la regardent avec tendresse, l’un en pleurs.

Mi-ange aux yeux enfantins, mi-démon caché derrière un dessin noir épais, le troisième personnage au dessus épie. L’arrondi de son visage et quelques piques répondent à la figure de la Femme.

« Puis les signes abstraits, les symboles arrivent… Je n’en connais pas la signification. Je sens qu’ils sont nécessaires, comme il est nécessaire de dessiner un œil quand je veux représenter un visage. »

Ces symboles, qu’ils soient ronds, en losange, sous forme de médaillon, de serpentin ou d’échelle, soumettent le tableau à un rythme sans repos. Ils se répondent, soulignent un élément d’un personnage, créent d’autres personnages comme ce visage en bas au centre du tableau qui semble regarder par un trou de serrure.

« Très vite, je passe de la réalité aux symboles, puis aux couleurs, aux lignes, puis je reviens à cette réalité. Il y a un va et vient permanent entre ces différentes écritures. »

La Femme dans l’antichambre porte un habit de guerre. A moins que ce ne soit une enfant, en habit d’insecte, qui lui serve d’armure?

La lumière qui sourd de l’arrière colore cette oeuvre complexe en rose ponctué de vert et d’orange, des teintes issues du vocabulaire des vitraux qui ne sont pas gratuites et contribuent à l’histoire.

Au centre du tableau, au point neutre entre intérieur et extérieur, se confondent le corps de la Femme, ou un enfant, ou peut-être une autre silhouette penchée avec élégance vers un visage d’homme à la longue cape grise sous un chapeau claque jaune.

Finalement cette peinture sombre et lumineuse, autobiographique et légendaire, raconte-t-elle une histoire d’armure ou d’amour? De chambre d’amour ou de chambre d’armure? De chambre ou d’ anti-chambre?

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