Calligraphies, Oiseau Taoïste, Traces

René Laubiès, L'Oiseau Taoïste, 1957, encre et acrylique sur papier marouflé sur toile, 220 x 275 cm

Six ans après la rétrospective du musée des Sables d’Olonne, nous avons pensé cette nouvelle exposition René Laubiès autour d’une œuvre essentielle dans son parcours, un Oiseau Taoïste d’une dimension exceptionnelle pour un peintre nomade adepte des petits formats. Cette encre-acrylique-gouache de 220 x 275 cm n’avait pas été montrée depuis de nombreuses décennies. Elle a nécessité une restauration minutieuse et délicate de son support. L’énergie du geste et le sujet permettent de mieux comprendre la démarche de Laubiès, son rapport à une nature en mouvement, celle des nuages et des bords de mer qui participent aux flux de l’univers.

L’œuvre fut réalisée en 1957 aux États-Unis, alors que Laubiès était professeur à l’université d’Alabama. Il y retrouvait l’avant-garde intellectuelle de ses amis (Ezra Pound, Robert Creeley…), pour lesquels poésie et peinture ne faisaient qu’un. Nous exposons également son premier livre d’artiste avec le poète américain Robert Creeley qui joua un rôle important au Black Mountain College d’où sont sortis de nombreux d’artistes reconnus (Robert Rauschenberg, Cy Twombly, Ruth Asawa…) et où Laubiès aurait probablement enseigné, si cette université privée n’avait fermé en 1957.

Cet Oiseau Taoïste (Laubiès en a réalisé d’autres plus petits) est une œuvre charnière. Les peintures et dessins antérieurs étaient caractérisés par des «signes» calligraphiques inspirés de son enfance au Vietnam, puis de la vallée des Merveilles dans l’arrière-pays niçois. Ces «signes» s’apparentent à la démarche de plusieurs artistes à cette époque, en particulier Franz Kline aux États-Unis. Nous en exposons une dizaine, peintures et dessins.

Laubiès se sentait une certaine affinité avec l’au-delà de la peinture de Pollock qui déclarait  pouvoir se passer de sujet parce qu’il était lui-même la nature. Après l’Oiseau Taoïste, Il abandonne définitivement la calligraphie pour une approche plus fusionnelle des nuages, couchers de soleil, bords de mer, immensités désertiques. Nous insistons dans cette exposition sur les années 1957-1965 particulièrement riches et diversifiées. Laubiès nous incite à mieux découvrir les paysages qu’il aime à travers des vibrations croisées horizontales et verticales, des dissolutions de formes, des traces de pinceau qui affleurent.

Ses peintures, ensuite, se font plus rares, souvent dépouillées, à l’image du vide qu’il recherche pour fusionner avec les flux de l’univers.

Peindre devient, davantage encore, pour René Laubiès un acte de vie et un exercice spirituel, vivre le passage dont il nous laisse des traces. Nous terminons sur quelques aquarelles réalisées à Marie-Galante en 2006, avant qu’il accepte de quitter notre monde en toute sérénité. « Je suis né riche, m’avait-il dit, je mourrai pauvre, cela me va très bien. L’argent tue la liberté, empêche d’aller à l’essentiel ».

A.M.

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