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Hommage à Michel Macréau

Fig.1 : « Chateaufort », 1963, huile sur drap, 185 x 130 cm

Michel Macréau, né en 1935, mort en 1995, a tout de l’artiste maudit. Issu d’une famille pauvre, il étudie la fresque quand il découvre en 1959, deux livres, sur Matisse et Picasso. Une révélation ! Faute d’argent il ne prend finalement que le second. Il décide de devenir peintre pour inventer un langage nouveau, « faire bouger les lignes », disait-il.

Il a souvent titré : « Quels nous sommes ! » Notre identité, nos contradictions, le genre, les rapports de couple (fig.2), sont ses terrains d’investigation favoris, dans un jeu d’écritures qui laisse une grande liberté d’interprétation.

Pour Combas, Macréau est un précurseur de Basquiat : « Je trouve que le rapport avec Basquiat est évident. Certains tableaux sont très proches, mais les gens ne veulent pas le voir. Dans le passé, je me suis amusé à faire passer des détails de ses oeuvres -comme certaines têtes- pour du Basquiat, et ça fonctionnait. “ ( Combas, 2014).

Au début des années 60, dans un squat, à Chateaufort (fig.1), au sud de Paris, lui-même et plusieurs artistes s’étaient procurés des toiles qu’ils devaient peindre avant l’arrivée d’un marchand. Macréau ne peut pas attendre. Il se lève la nuit. Le lendemain toutes les toiles étaient recouvertes. Personne ne lui en a voulu. Le marchand arrive. Macréau paraît lancé, connaît un certain succès. Ce marchand s’appelle Cordier, non pas Daniel qui ne le découvrira qu’à la galerie, en 2015, enthousiaste, pour me complimenter d’un : « Macréau participera à votre fortune ! »

Il s’agissait de Raymond Cordier, qui connaissait la terre entière, et notamment les Pompidou connus pour leurs capacités à découvrir. Macréau croit avoir rencontré un public, quand son marchand ferme la galerie sans prévenir pour faire le tour du monde, avant d’ouvrir un grand bar place de la Madeleine, la Factory. Macréau se sent abandonné. Mais quand Georges Pompidou deviendra Président, plusieurs de ses toiles seront placées bien en vue dans les grands salons de l’Elysée.

Et quelques galeries continuent à s’intéresser à lui, les Mondon, mais eux aussi fermeront rapidement. La galerie T aux Pays-Bas fait un remarquable travail, le montre à la foire de Bâle, convainc des collectionneurs passionnés mais ne réussit pas à créer le vaste mouvement de reconnaissance internationale dont il a besoin.

Un tableau émouvant le montre, la bouche agrafée (fig.3). « Je me demandais, m’a-t-il dit, si ce que je faisais avait un sens, et même si c’était de l’art ».
Il retrouve confiance au début des années 80, avec l’arrivée de la « figuration libre » en France, dont justement Combas, et à l’étranger de Penck et surtout de Basquiat auquel, il est vrai, certaines de ses œuvres font penser d’une manière étonnante.

Vers 1985, la galerie parisienne Barbier-Beltz s’intéresse à lui, en association avec Nothelfer, une grande galerie berlinoise. C’est alors une véritable traînée de poudre. On commence à parler de lui à Bâle, en Allemagne, en Italie, à la f.i.a.c. où un one-man-show en 1989, connaît un grand succès. Macréau allait-il enfin être reconnu ?

Une fois de plus, tout s’arrête. La crise, une brouille avec son marchand, sans doute aussi un manque de rigueur dans la sélection des œuvres montrées pour répondre à la demande, tout cela explique son grand désarroi, quand il est venu me voir, en 1993, à l’Orangerie de Bagatelle où j’avais organisé un accrochage pour marquer l’ouverture de la galerie.

Le succès a été de nouveau au rendez-vous. « C’est moi qui vous invite, je suis plein aux as », m’a dit Macréau à la fin de notre première exposition. Un déjeuner d’ailleurs éprouvant. Il me regardait fixement sans rien dire. Il savait qu’il allait bientôt mourir. Je sentais à la fois son désarroi et qu’il espérait pouvoir compter sur moi.

Nous avons organisé régulièrement des expositions depuis, toutes très suivies. Mais il m’a fallu plus d’une décennie pour que me soient proposées la plupart de ses œuvres historiques, celles des années 60, où il déployait une extraordinaire énergie en bondissant autour de la toile ou du papier à même le sol sans recul, pour « laisser une place au hasard », mais avec un souci instantané de la construction qui explique qu’elles intriguent toujours autant.

L’importance de Macréau est désormais reconnue par un cercle élargi de collectionneurs, certains très connus. Et il serait étonnant que les institutions ne suivent pas.

A.M.

Fig.2 : « Couple », 1974, encre sur papier journal, 59,5 x 43 cm
Fig.3 : Sans titre, 1968, huile sur toile de jute, 115 x 80 cm

Fig.4: « Portrait », 1963, encre de Chine sur papier, 31,5 x 24 cm
Fig.5 : « La femme à la fleur », 1965, encre de Chine sur papier, 30 x 23 cm

Fig.6 : « La femme dans l’antichambre », 1962, huile sur toile, 160 x 115 cm

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